On a quitté la Macédoine du Nord le samedi 15 juin avec un vrai pincement au cœur. Un pays qui nous a beaucoup plu.
Notre séjour fut marqué tout d’abord par une étape sportive mémorable : 82km entre Gradsko et Skopje, en suivant le Vardar. 650m de montée (plus de montées que de descentes) ; deux cols à 475m ; départ à 8h15 et arrivée à 19h. Et tout cela sous un soleil de plomb (il ne nous lâche pas en ce moment) et avec des chemins très caillouteux par moment. Mais que c’était beau (un pays de montagnes, avec de la neige encore au fond) et qu’on est fier. On a croisé des tortues et traversé des nuages de papillons. On a salué des dizaines de tracteurs rouges IMT539 (pour les grands fans de tracteurs ou éventuellement pour les fans de la Yougoslavie communiste). Et le soir, on s’est offert un vin rouge de Stobi, très agréable. Le séjour faut aussi marqué par notre visite de Skopje. Notre esprit français (et donc forcément et malgré nous très jacobin) est bien en peine de s’y retrouver : une juxtaposition de minarets et de clochers ; des appels à la prière ; une grande croix lumineuse en haut de la montagne qui domine la ville. Mais aussi des drapeaux albanais partout dans le vieux bazar, et des drapeaux turcs ; quelques drapeaux macédoniens ; des photos d’Erdogan et d’Attaturk… Plus encore, le centre ville est un lieu d’exposition de statues monumentales, réalisées ces dernières années. On y trouve Alexandre le grand, Philippe II, Tito et tout un panthéon qu’on ne sait pas toujours reconnaître. Mais on a identifié aussi Scanderbeg, le grand héros albanais, qui dominait une fresque à la gloire de l’Albanie. Pour compléter ce qu’on veut nous montrer de l’identité macédonienne, direction le musée. On apprend ce qu’est la « Macédoine géographique et naturelle » : un territoire incluant la macédoine « grecque », une partie de la Bulgarie et l’actuelle Macédoine du Nord. En 1912, la Grèce, la Serbie et la Bulgarie déclarent la guerre à l’empire Ottoman ; ils gagnent et se partagent cette Macédoine : une grosse part pour la Grèce (quasi la Macédoine antique), une toute petite part pour la Bulgarie et l’actuelle Macédoine du nord pour la Serbie. Et on fait bouger les gens pour faire correspondre cet accord avec une réalité « anthropologique ». C’est un musée dont les héros sont principalement des enfants macédoniens, tués et/ou déportés par les grecs... Où quand l’écriture de l’histoire agit sur le cours de l’histoire. Enfin, le 14 juin, on a quitté Skpoje pour le nord, direction la Serbie. On n’est pas loin du Kossovo, et on est en territoire habité par des populations albanaises. Et quel choc pour nous ! La population est effectivement albanaise, mais on découvre ce que cela veut dire : tout le monde parle albanais ; à chaque entrée de village, à chaque mairie, en haut de certaine montagne, à chaque monument un peu important, il y a des drapeaux albanais ; les gens se disent albanais. (On ressort donc notre drapeau albanais, qu’on ajoute à celui de Macédoine ; les enfants sont ravis de retourner en Albanie qui n'a laissé que de bons souvenir à chacun.) Et juste avant la frontière serbe, toujours en Macédoine, on traverse un village serbe. On le sait, un drapeau serbe flotte à l’entrée… Bref, on doit être au cœur des Balkans et les choses nous apparaissent bien compliquées – mais le sont-elles tellement finalement ? Une chose cependant est claire : les macédoniens et les albanais sont très accueillants, vraiment sympas, et tellement simples avec nous. Et quelle leçon ! Oui, décidément, on quitte ce pays avec un vrai pincement au cœur. La paroles aux héros pour conclure : Tito : « la Yougoslavie a 6 républiques, 5 nations, 4 langues, 3 religions, 2 alphabets et 1 seul parti » Lucas : « papa, c’est quoi une nation ? » PO : « ???? je ne sais plus, demande à ta maman » Elouan : « il est trop beau le drapeau serbe : il a le même aigle que celui de l’Albanie et que celui de l’église grecque » Tout le monde : « encore de la salade grecque ! » Notre camping du 2 juin fait au début l’unanimité : il est hors de question d’y rester pour notre journée de repos. On se sent très décalé avec les autochtones, qui doivent tous résider ici à l’année au vu de leur tente toute équipée avec frigo, étagères, petits pots de fleurs, sols en dur, etc. Pas de wi-fi ni même de prise électrique dans les toilettes, ce qui perturbe nos habitudes d’hommes modernes ; les douches ne sont ouvertes qu’entre 18h et 20h, les WC sont à la turc et les gens fument dedans, ce qui perturbe beaucoup les hygiénistes que nous sommes ; il y a même une femme qui se rase devant tout le monde, ce qui choque éhontément notre image civilisée de la femme. Et tous ces gens, sans exception, sont de Macédoine du nord ou de Serbie et ne parlent même pas grec ! Pourtant, quand on s’installe pour manger, notre voisine nous apporte des gâteaux, comme ça, sans parler et repart. On découvre petit à petit que tout le monde est particulièrement attentionné et qu’on doit certainement se comporter comme de vrais sauvages. Il ne doit pas falloir rester très longtemps pour se faire apprivoiser et se sentir chez soi.
Le lendemain matin, le camping fait encore l’unanimité : les gens sont vraiment « super gentils » (dixit les enfants). Ce sera notre première rencontre avec des macédoniens du nord et des serbes. On enchaine ensuite avec la visite de la Macédoine antique, ou Macédoine grecque (« la seule et unique Macédoine » proclame en gros un écriteau devant la mairie d’un village traversé). On commence par la visite de Dion, ancienne cité sacrée dédiée à Zeus, située en bas de l’Olympe. Endroit mythique encore peu valorisé et désert, où sont nées les muses. On y est très heureux et comme Alexandre avant de partir à la conquête de la Perse, on y fait le plein d’énergie mystique avant de partir dans le nord. Avant d’enfourcher nos vélos, vers 14h, comme par magie, un coup de tonnerre retentit, fort comme jamais, à faire trembler l’ensemble de la troupe. Zeus doit nous encourager du haut de sa montagne. Après une journée de repos à Makygialos, on fait ensuite un détour pour rejoindre Vergina, l’ancienne capitale de la Macédoine. On y visite la tombe, enterrée sous un tumulus, de Philippe II. On est bluffé : la visite se fait sur site, c’est à dire sous terre. Le lieux regorge d’or et d’ivoire et les mises en scène sont très réussies. On prend aussi conscience que toutes ces découvertes sont très récentes et loin d’être terminées. Un nouveau tumulus, encore plus grand, a été découvert tout près : peut-être un nouvel épisode dans le feuilleton qui entoure le mystère du tombeau d’Alexandre ? Bref, on a l’impression d’écrire l’histoire pendant nos visites, en direct. Et on continue ensuite, dans la même ambiance, par la visite de Pella, la capitale suivante du royaume antique de Macédoine. On est complètement seul en plein cagnard ; il reste des hectares et des hectares encore à défricher ; le musée est magnifique et remplit de joie Abel, mais aussi Malo avec sa salle exposant les objets trouvés dans des tombes de dignitaires locaux (vraiment chouette). Après cette plongée dans la Macédoine Grecque, nous nous dirigeons vers la Macédoine du Nord. Qui n’est donc en rien la Macédoine selon une part non négligeable de Grecs. Il faut dire que la Macédoine du Nord, lors de son indépendance en 1991, s’est auto-nommée Macédoine, a posé sur son drapeau le soleil de Vergina et s’amuse encore à construire tout plein de statues d’Alexandre à Skopje (alors qu’il n’a jamais mis les pieds chez ces montagnards)…. Le pays a donc connu un blocus de la part de la Grèce et les tensions commencent tout juste à baisser suite aux derniers changements de nom et de drapeau du pays. On entre finalement en macédoine du Nord le 8 juin, après avoir franchi un col à 200m, sur un chemin caillouteux, raviné, sablonneux, pentu, avec des flaques boueuses à traverser. Et surtout sous un soleil de plomb et une température de 35° à l’ombre (mais il n’y a pas d’ombre dans le Tartare vous confirmerait Tantale). Mais franchement, on s’est amusé comme des fous, même si l’épreuve est un peu longue pour Abel qui se bat quand même comme un vrai Mirmidon. |